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marie line au maroc

marie line au maroc
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3 avril 2007

Voici l'histoire de notre magnifique voyage au

Voici l'histoire de notre magnifique voyage au Maroc

       Ce fut un voyage par simple goût de l’aventure, pour le seul plaisir de l’avoir fait, qui parle de soleil brûlant sur une terre aride , une transhumance à cheval au cœur du pays berbère jusqu’au sommet du Haut Atlas marocain. Je suis de retour depuis une semaine et progressivement les souvenirs se sédimentent et s’impriment profondément dans ma mémoire. Les yeux grands ouverts au milieu de la ville je suis habité par une contemplation intérieure. Celle des grands espaces, des oueds scintillants au creux de vallées verdoyantes, de paysages d’une beauté ineffable, de chemins où l’on se perd et où l’on se retrouve. Je ressens encore mon visage cuit par le soleil et les fesses endolories par de longues heures de courses à cheval et enfin je goûte avec un délice suprême, à l’heure où la lune se lève, un thé à la menthe avec des dates, du pain et du miel, la nuit étoilée et le sommeil du juste.  Un vieux proverbe indien dit que l’homme ne devrait posséder que ce qu’il peut porter sur son dos, sous la pluie, en haut d’un arbre. C’est à peu de chose près  ce que j’emporte: mes vêtements de cheval, une vieille couverture irlandaise  en laine que l’on se passe dans la famille depuis des générations, un couteau, un appareil photos argentique et un carnet Moleskine. Nous sommes à Marrakech, le lundi 2 Octobre 2006, il fait 39 ° et c’est le ramadan.

 

J’ai toujours aimé Marrakech, aussi embarrassée soit-elle par des lieux communs et une rhétorique qui est le fait des regards étrangers mais aussi des Marocains eux-mêmes. Le pittoresque, le mythe « Pierre Loti » qui a plus à voir avec un  certain kitsch culturel qu’avec la réalité multiple de cette ville. Sitôt arrivé je fais un tour par la place Djema El fna, dans le souk et au jardin Majorelle puis passe la nuit dans un beau Riyad au décor sophistiqué à deux pas du souk. Maintenant l’aventure peut commencer.
  Rendez-vous à sept heures et demi du matin au pied de la Koutoubia. Tout est calme et le soleil rasant dore la place. Je retrouve mes compagnons de voyage. Sophie, l’âme «  des cavaliers de l’Atlas », Marie Line, nouvellement recrutée pour la seconder, Mogdoul le guide, Amin qui conduira le 4X4 avec la nourriture pour les hommes et les chevaux et Mina la cuisinière. Nous roulons vers le levant. En quelques années, les abords de la ville se sont considérablement étendus. Des banlieues entières sont en chantier à l’état de coques vides à moitié peintes en ocre rouge. Au fur et à mesure que nous roulons, l’urbanisme se fait plus rare ainsi que les lambeaux noirs des sacs plastiques que le vent accroche aux branches d’eucalyptus. Nous quittons la route principale pour une piste en terre à travers des collines arides et caillouteuses de la province de Taouma, tout près des chasses royales d’Aït Ourir où le roi vient occire ses sangliers. 
Le ranch est situé au lieu-dit Ekido, caroubier en berbère. C’est à peine plus qu’une cabane en pisé perchée en haut d’une colline sans eau courante ni électricité. On ne saurait faire plus simple ni plus rustique mais tout est en matériau noble et domine un paysage somptueux et  intact. La principale activité est d’y accueillir pour une
journée des touristes qui ne sont pour la plupart jamais monté à cheval mais ont tout de même assez de bravoure et de curiosité pour s’échapper des banalités du tourisme de masse. Sans guère de préambule, Sophie attribue les montures. En selle !  nous voilà partis. Vers le haut, le sud, en direction des montagnes de l’Atlas toutes proches à travers une vaste steppe où paissent de petits troupeaux de chèvres et de moutons.
Le but de l’aventure est de repérer une route sûre, de tester les chevaux, les pistes et les étapes lorsque la randonnée sera ouverte au public. Nous partons en éclaireurs, sûrs de rien mais sûrs que ce sera très bien et très beau. La terre est rouge. De longs murets de pierre nous mènent vers des bleds bâtis en pisé aux flancs de falaises rocailleuses et couvertes de grappes de figuiers de barbarie en fruits.
Agoujgal, Tamjhadazdan et enfin Aarba. A notre approche, les enfants accourent juchés sur de petits ânes, les femmes donnent à boire aux chevaux tandis que les hommes assis en rang d’oignons prennent le frais à l’ombre d’un olivier. Marie Line, qui s’y connaît en plantes note les espèces : ajonc, genêt d’Espagne,  figuier caroubier, carline en corymbe, laurier-rose, canne de Provence. Une promenade de santé à travers des paysages pittoresques, tour à tour arides et luxuriants, sans difficulté particulière, juste ce qu’il faut pour nous amariner comme diraient les marins,pour nous tanner le cuir et nous accoutumer à la marche des chevaux, à l’air, à la lumière, à la chaleur. Notre première étape, en fin d’après-midi, est un petit hôtel en béton à Touama, un bourg en bordure de la route nationale qui conduit à Ouarzazate. Les chevaux sont attachés pour la nuit dans un bois d’olivier, nourris, soignés, abreuvés. Nous nous installons sur la terrasse en attendant le f’tour, la rupture du jeûne à l’heure où le soleil se couche. On nous apporte le repas traditionnel, la harira, la soupe du ramadan riche en calories et en épices avec des œufs durs, des ch’hiwates, les galettes au miel, des dattes et du thé à la menthe.
C’est bon, nous sommes heureux d’être là, contents de savoir que le meilleur est à venir et une douce fatigue nous envahit peu à peu. Au lit ! les musulmans qui se lèvent à cinq heures pour la prière du matin partagent une chambre, les chrétiens une autre. Hommes, femmes ensembles, une sérieuse entorse aux convenances. Au creux de mon sommeil, je perçois plus que  la mélopée très douce des sourates qui se mêlent à mes rêves puis vient le jour.Dans la fraîcheur du matin, à l’ombre des palmiers nains et des peupliers blancs nous remontons à gué un oued peu profond bordé de vergers et de cultures maraîchères. Ce sont les jardins des berbères.
De petites parcelles travaillées à la main, un antique soc tiré par un âne qui fertilise le sillon au passage. Il y pousse des haricots, des tomates fruits, des pommes de terre et j’imagine leur saveur. Vers midi nous pénétrons dans une nouvelle vallée de culture de blé et d’orge en terrasses. Les récoltes sont rentrées depuis longtemps laissant la terre arase. Au loin des villages se massent au pied d’un minaret, comme nos villages au siècle dernier au pied du clocher. Nous croisons des paysans qui cheminent à pied ou à dos de mulets et qui nous renseignent sur notre route. Dans le lit d’un oued à sec Amin nous attend avec le 4x4 au milieu de quelques mulets à la robe noire et lisse. Les muletiers ne sont pas loin. Ils se reposent à l’ombre des peupliers. Mina a préparé un tagine et installé une table basse sous les arbres mais le déjeuner à la vue de tous en plein ramadan nous embarrasse et de sur croit un des chevaux, trop déshydraté, est malade et doit être confié à une écurie pour récupérer.  Aux cultures succèdent de hautes collines  rocheuses. Nous arrivons à ce qui sera la partie la plus délicate, voire la plus risquée de notre périple, une succession de montées et de descentes  sur de gros rochers coupants. Nous devons mettre pieds à terre et laisser, la bride large, les chevaux négocier eux-mêmes des passages pour cabris. La descente n’est pas sans danger mais la partie la plus critique n’est pas trop longue et apporte un peu de piment. Avalanche, ma jument grise est une virtuose de l’équilibre et descend les pentes rocheuses à quarante cinq degrés  avec une aisance méthodique pleine de bravoure. Après l’effort, la récompense. Nous arrivons au grand galop sur un haut plateau, sans doute mais je ne saurais l’affirmer à deux mille mètres d’altitude. La pierre a pris la place de la terre. Il n’y a plus guère de villages, plus aucun arbre, seulement quelques bergeries cubiques en pierre rouge sombre et tout proche maintenant et plus imposant que jamais, l’Atlas. Une route néanmoins mène encore à un solide village de montagne curieusement construit sur un escarpement rocheux en forte pente. Le 4X4 n’ira pas plus loin. Ici la route s’arrête et tout ce qui doit être porté ne peut l’être que par l’homme ou l’animal.

 

Le soleil est bas sur l’horizon et la lumière d’une clarté et d’une suavité merveilleuse. Les roches rouges se détachent sur la lande vert pâle ou seul du lichen persiste à survivre. Nous chargeons nos chevaux avec nos affaires pour la nuit et poursuivons pour une bonne heure encore notre chemin vers notre seconde halte. Perdu au milieu de l’immensité ,au pied même des plus hauts sommets de la montagne apparaît un village austère comme une forteresse. Les murs en gros appareillage de pierre couleur sang séché percés de petites ouvertures signalent qu’ici les hivers sont rudes et que l’on y survit pendant de longs mois isolés  de tout sous un épais manteau de neige. Un adolescent prend mon cheval par la bride pour le mener par les chemins escarpés qui percent le village comme une cicatrice. Il y a une grande noblesse dans ce geste simple où aucune parole ne sera échangée. Un acte qui remonte à la nuit des temps où tout est accompli parce que c’est ainsi qu’il faut agir. Le villageois est le fils de notre hôte, un berger berbère qui vit avec les dix huit membres de sa famille dans une bergerie de pierre un peu à l’écart du village. Sa maison est la dernière avant la montagne. A l’heure où nous rentrons les chevaux, ses fils, rentrent les moutons et les brebis pour la nuit. Car il y a des loups. En 1985, nous racontera-t-il pendant la veillée, les loups ont dévoré 85 brebis et pour marquer cette coïncidence, il a inscrit 1985 sur les mûrs de sa maison. Loin de la civilisation, le f’tour prend des allures de cérémonial. La nuit tombe, arrive la harira, chaude, délicieuse, réconfortante, le pain cuit maison que l’on trempe dans une huile d’olive parfumée et de la confiture d’abricot, les dattes et le thé à la menthe. Les saveurs sont plus fortes à l’image de la rudesse du terroir, plus précieuses aussi. Il fait froid et je m’enveloppe dans ma bonne vieille couverture qui est si contente d’avoir quittée sa malle pour reprendre du service. Notre hôte nous parle des loups, en berbère.
Sophie me joue un tour et m’avertit qu’ici il faut respecter la coutume qui veut que les femmes dorment à l’intérieur de la maison et les hommes à la belle étoile et moi qui suis trop crevé et un peu naïf aussi pour flairer le coup, je me dis que ce sera merveilleux de dormir sous les étoiles mais que je vais mourir de froid ou être dévoré.
Résolu, je prends ma couverture, sors dans la nuit glacée pour être rattrapé à temps comme si j’avais encore cinq ans. Le berger dispose des tapis  multicolores à même le sol couvert d’une natte, nous distribue des couvertures encore plus multicolores et nous nous écroulons. Rétrospectivement, je me dis que le moment aurait été bien choisi pour penser à ce palace avec sa salle de bain en marbre où s’accomplit rituel social de se changer pour le dîner mais non, je n’y ai pas pensé, j’ai juste retiré mes bottes.
La troisième journée fut l’apothéose. Avec un cheval en moins, Sophie malheureusement ne peut nous accompagner. Nous partons donc à trois. Il faut escalader la montagne, au sommet descendre vers l’est puis suivre plein est le haut plateau jusqu’à la vallée du Zat où se trouve notre gîte. En principe, c’est l’affaire de quelques heures. Au petit matin, nous nous mettons en route et escaladons une pente abrupte et caillouteuse sur plusieurs kilomètres et mille mètres de dénivelé. La chaleur monte vite elle aussi, et les chevaux peinent en suivant les traces blanches des sabots des ânes sur la roche lisse. Mais l’humeur est bonne et Mogdoul qui a soudain décidé que je ressemble à Tarzan , sans doute à cause de mes cheveux longs, me surnomme ainsi sauf qu’ il le prononce à l’allemande « Tarzane »« Tarzane,iche liebe diche » en berbère dans le texte. Marie Line trouve que ce serait plutôt Lucky Luke. Quant nous arrivons au sommet, il est déjà presque midi. Le paysage d’une beauté irréelle ressemble à l’arrière plan de la Joconde.
Un vaste cirque de montagnes s’étend à perte de vue percé en son milieu par un profond canyon. Pas une construction, pas une âme en vue, rien que la nature la plus sauvage. Nous ne sommes pas sûrs de la route.
Heureusement quand on croit qu’il n’y a personne, il y toujours quelqu’un qui surgit de nulle part. Nous lui demandons le plus court chemin et il nous dit que la vallée du Zat est située sur le versant opposé du canyon. Nous devons le contourner par la droite,loin loin là bas vers l’ouest pour pouvoir le traverser puis repartir de l’autre côté vers l’est. Nous n’avons que deux abricots secs ,une demi bouteille d’eau et les chevaux sont extenués par l’ascension du matin.
Le chemin est marqué par de petits empilements de pierres. Le terrain est trop caillouteux pour trotter ou galoper ce qui délasserait les chevaux. Finalement le canyon devient franchissable et nous repartons dans le sens inverse quand nous pénétrons dans la fameuse vallée si convoitée au soleil couchant. Les cultures en terrasses réapparaissent, puis des maisons éparses et enfin au sommet de la colline, notre gîte.
Un cube de pierre rouge bâti à flanc de coteau et dominant tous les alentours. J’ admire la noblesse austère de ses lignes simples et massives qui évoque les forteresses médiévales et les églises romanes.
Nous arrivons tard mais nous sommes attendus. On prend soin des chevaux. Je caresse plein de gratitude la joue de ma bonne jument. Mina nous a préparé un copieux dîner, il y a de l’eau chaude et une flambée d’acacia dans la cheminée. Nous nous prenons en photo et la lune se lève, pleine. Ce fut une journée éreintante mais magnifique et le dîner qui s’ensuivit plein de chaleur et d’amitié éclairé par les bougies et l’âtre de la cheminée. Notre aventure se termine là, il ne reste plus qu’ à descendre du sommet jusqu’au ranch, un long parcours qui prendra la journée entière puis une dernière nuit à Marrakech avant de s’envoler vers la France. Il n’y a pas de conclusion. Les beaux voyages ne finissent jamais vraiment, ils prennent place dans notre mémoire et font partie intégrante de ce que nous sommes.
Il ne sert à rien de rêver sa vie, il faut vivre ses rêves.

 

Ivan Terestchenko
randonnées à Cheval - tourisme équestre - Maroc - horse trekking

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